Au cœur de nombreux débats sur les traitements alternatifs du cancer, une substance attire régulièrement l’attention : la vitamine B17. Connue scientifiquement sous le nom d’amygdaline, ou sous sa forme semi-synthétique le laétrile, elle est présentée par ses partisans comme un remède naturel miraculeux. Pourtant, la communauté scientifique et les autorités sanitaires mondiales tirent la sonnette d’alarme, soulignant non seulement une absence totale de preuves de son efficacité, mais aussi un danger bien réel pour la santé des consommateurs. Cet article se propose de décortiquer la nature de la vitamine B17, de confronter les mythes à la réalité scientifique et d’explorer les risques associés à sa consommation.
Sommaire
ToggleQu’est-ce que la vitamine B17 ?
Une appellation trompeuse
Le terme « vitamine B17 » est en réalité un nom commercial et non une désignation scientifiquement reconnue. L’amygdaline n’est pas une vitamine, car elle ne correspond à aucune définition biochimique d’une vitamine essentielle au corps humain. Il s’agit d’un composé chimique appartenant à la famille des glycosides cyanogènes. Cette classification est cruciale, car elle indique que la molécule peut libérer du cyanure, une substance hautement toxique, lorsqu’elle est métabolisée par l’organisme.
Sources naturelles et formes synthétiques
L’amygdaline se trouve naturellement dans les noyaux de certains fruits et dans certaines plantes. Les sources les plus connues sont :
- Les amandes amères
- Les noyaux d’abricots
- Les pépins de pommes
- Les noyaux de pêches et de prunes
Le laétrile, quant à lui, est une molécule semi-synthétique dérivée de l’amygdaline. C’est cette forme qui a été majoritairement étudiée et commercialisée comme traitement alternatif contre le cancer à partir des années 1950, bien qu’elle soit aujourd’hui interdite dans de nombreux pays, dont les États-Unis et ceux de l’Union européenne.
Comprendre la nature chimique de cette substance est la première étape pour évaluer les affirmations audacieuses qui entourent ses prétendus bienfaits thérapeutiques.
Les mythes autour des bienfaits anticancéreux
La théorie de la « cible » cancéreuse
Les promoteurs de la vitamine B17 avancent une théorie selon laquelle les cellules cancéreuses contiendraient en grande quantité une enzyme, la bêta-glucosidase, capable de décomposer l’amygdaline et de libérer localement le cyanure, tuant ainsi spécifiquement la tumeur. En parallèle, les cellules saines seraient protégées par une autre enzyme, la rhodanèse, qui neutraliserait le cyanure. Cette théorie, bien qu’élégante sur le papier, n’a jamais été confirmée par des études scientifiques rigoureuses. En réalité, les deux enzymes sont présentes dans tout le corps, et rien ne prouve que leur répartition permette une action ciblée et sans danger.
L’absence de preuves cliniques
Malgré des décennies de controverses, aucune étude clinique contrôlée et publiée dans une revue scientifique de renom n’a jamais démontré l’efficacité de l’amygdaline ou du laétrile pour traiter le cancer chez l’humain. Des institutions de recherche majeures, comme le National Cancer Institute (NCI) aux États-Unis, ont mené des études qui ont conclu à une inefficacité totale de la substance. Une revue systématique de la base de données Cochrane, une référence en matière de médecine factuelle, a également conclu qu’il n’existait aucune preuve fiable soutenant son utilisation.
Le décalage entre les anecdotes personnelles et les résultats scientifiques souligne un danger majeur : celui de pousser des patients vulnérables à abandonner ou retarder des traitements conventionnels dont l’efficacité, elle, est prouvée.
Risques et effets secondaires de la vitamine B17
Des symptômes similaires à une intoxication
La consommation d’amygdaline, en particulier sous forme de noyaux d’abricots, expose à des effets secondaires qui sont en réalité les symptômes d’une intoxication au cyanure. La gravité de ces symptômes dépend de la dose ingérée. Les signes les plus fréquents incluent :
- Nausées et vomissements
- Maux de tête
- Vertiges et confusion mentale
- Fièvre
- Baisse de la tension artérielle
- Difficultés respiratoires
Dans les cas les plus graves, une surdose peut entraîner des convulsions, un coma et même la mort par arrêt respiratoire. Il est fondamental de comprendre que ces risques ne sont pas théoriques, mais bien documentés dans la littérature médicale.
Interactions dangereuses
Le danger est amplifié lorsque l’amygdaline est consommée en même temps que d’autres substances. Par exemple, la prise simultanée de fortes doses de vitamine C semble augmenter la conversion de l’amygdaline en cyanure dans l’organisme. De même, la consommation de fruits ou de légumes contenant eux-mêmes l’enzyme bêta-glucosidase (comme les germes de soja, les carottes ou les pêches) peut accélérer la libération du poison.
Ces effets secondaires ne sont pas de simples désagréments, mais les manifestations directes de la toxicité inhérente à la molécule elle-même.
Toxicité de l’amygdaline et risques d’intoxication au cyanure
Le mécanisme biochimique
Lorsque l’amygdaline est ingérée, elle entre en contact avec les enzymes présentes dans le tube digestif, notamment la bêta-glucosidase. Cette enzyme « casse » la molécule d’amygdaline en trois composants : le glucose, le benzaldéhyde (qui donne l’odeur d’amande amère) et, surtout, le cyanure d’hydrogène. Le cyanure est un poison cellulaire puissant qui bloque la capacité des cellules à utiliser l’oxygène, provoquant une asphyxie au niveau cellulaire.
Quantités et seuils de dangerosité
Les agences de sécurité sanitaire ont établi des seuils de consommation à ne pas dépasser. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu qu’une dose de 0,5 à 3,5 milligrammes de cyanure par kilogramme de poids corporel pouvait être létale. La teneur en amygdaline des noyaux d’abricots est très variable, mais les estimations montrent que le danger est bien réel.
| Sujet | Nombre de noyaux d’abricots (estimation) | Risque associé |
|---|---|---|
| Adulte | Plus de 3 petits noyaux par jour | Dépassement de la dose journalière tolérable |
| Enfant | Un demi-noyau | Risque d’intoxication aiguë |
| Adulte (dose létale) | Environ 50 à 60 noyaux | Risque de décès |
Face à un poison aussi puissant, la prudence la plus élémentaire s’impose, rendant l’idée d’une automédication particulièrement périlleuse.
Les alternatives sûres à la vitamine B17
Privilégier les approches validées
Pour les patients atteints de cancer, la seule voie sécurisée et efficace reste celle des traitements validés par la science : la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie, l’immunothérapie ou les thérapies ciblées. Ces approches, bien que parfois lourdes, reposent sur des décennies de recherche et des preuves cliniques solides de leur efficacité pour améliorer la survie et la qualité de vie.
Le soutien par la nutrition et les thérapies complémentaires
Une alimentation saine et équilibrée est essentielle pour soutenir l’organisme pendant les traitements. Plutôt que de se tourner vers des substances dangereuses comme l’amygdaline, il est préférable de se concentrer sur un régime riche en fruits, légumes et nutriments dont les bienfaits sont avérés. La correction de carences spécifiques, en vitamine D ou B12 par exemple, doit toujours se faire sous supervision médicale. Des thérapies complémentaires comme le yoga, la méditation ou l’acupuncture peuvent également aider à gérer les effets secondaires des traitements et à améliorer le bien-être général, sans jamais se substituer aux soins conventionnels.
Se détourner des fausses promesses pour se concentrer sur des stratégies de soutien éprouvées est une démarche plus constructive et infiniment plus sûre.
Recommandations pour une utilisation sécurisée
La position claire des autorités sanitaires
Les agences sanitaires du monde entier, de l’ANSES en France à la FDA aux États-Unis, sont unanimes : elles déconseillent fortement la consommation de produits contenant de l’amygdaline à des fins thérapeutiques. La vente de laétrile comme médicament est illégale dans la plupart des pays développés. Ces mises en garde ne sont pas le fruit d’un complot, mais d’une évaluation rigoureuse du rapport bénéfice/risque, qui est ici totalement défavorable.
Consulter un professionnel de santé : un impératif
Toute personne atteinte de cancer ou cherchant à prévenir la maladie ne doit jamais initier un traitement, qu’il soit alternatif ou non, sans en parler à son médecin ou à son oncologue. Ces professionnels sont les seuls à même de fournir des informations fiables, de déceler les fausses informations et de guider le patient vers des choix thérapeutiques qui soient à la fois sûrs et efficaces. L’automédication avec des substances potentiellement toxiques est une démarche à très haut risque.
La vitamine B17 est un cas d’école des dangers de la désinformation en santé. Derrière une appellation rassurante se cache une substance non seulement inefficace contre le cancer selon toutes les données scientifiques disponibles, mais également capable de provoquer une intoxication grave au cyanure. Le mythe de ce remède miracle persiste, alimenté par la peur et le désespoir, mais il ne résiste pas à l’analyse factuelle. La meilleure approche reste de faire confiance à la médecine fondée sur les preuves et de dialoguer ouvertement avec les professionnels de santé pour toute question relative à son traitement.




